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Un détour dans les West Mac Donnell Ranges — partie 3 : Birthday Waterhole et Hugh Gorge

Je fais l’amère découverte dans la nuit que les somnifères ne permettent pas de dormir et se reposer, comme une véritable nuit de sommeil, et si je dors toute la nuit je continue à me réveiller toutes les 15-20 minutes pour me retourner à cause de l’inconfort et changer de position. Du coup je dors, mais niveau repos c’est à peine mieux. Bon, tant pis j’espère au moins que cela m’aidera à dormir sans cachets ensuite.

Nous reprenons les vélos sur la route sous un soleil insolent pour ce milieu d’hiver : le thermomètre indique 30°C, cinq de moins qu’hier mais toujours chaud pour pédaler.

Nous parcourons une cinquantaine de kilomètres en quatre heures pour atteindre l’intersection entre la route goudronnée qui longe la chaine de montagnes et la piste 4x4 de quinze kilomètres pour Birthday Waterhole. En route nous trouvons au bord de la route un téléphone portable ainsi qu’une bouteille de bourbon, remplie évidemment (et de bourbon). Bon on n’aime pas ça donc on la laisse là pour le prochain passant, mais bon c’est dingue ce qui pousse au bord des routes australiennes, ah cette flore indigène !

En arrivant au début de la piste 4x4 une abeille décide de se loger dans mon nombril et de piquer. Je peux témoigner que ça fait mal !

Nous roulons deux kilomètres de plus sur la piste qui alterne entre sable où nos roues s’enfoncent de dix centimètres, et galets qui nous font tressauter comme des danseurs de tecktonik pris de convulsions. Nous installons la tente dans le lit de la rivière, à l’abri du vent qui nous a repoussé en arrière toute la journée sur la route.

Nous nous réveillons à huit heures au doux son des hurlements des dingos qui semblent tourner autour de la tente. Pourtant en se levant les seuls animaux que nous voyons sont des corbeaux australiens qui discutent de leur voix craquelée, sonore et désagréable.

La piste 4x4 reprend pour une heure et demie de pédalage. Les traversées de rivières sont difficiles, il faut pousser dans le sable et les cailloux, mais à part ça on arrive à rouler pas trop mal. Et pour nous faire oublier l’effort physique on peut toujours relever les yeux de la piste et admirer le décor qui s’étale autour de nous comme une véritable toile de maître, gravée au rythme des millénaires par des pinceaux de pluie, de vent et de changements climatiques.

Nous ne croisons qu’une seule voiture, c’est le papa qui marchait avec sa fille, qu’on avait laissés à Mulga Camp. Lui s’arrête pour quelques jours, il a souffert d’une insolation avec la chaleur des derniers jours, il avait effectivement l’air mal en point l’autre jour.

Arrivés à Birthday Waterhole nous attachons les vélos à un arbre, en essayant de bien protéger nos affaires en cas de pluie, et nous partons à pied avec nos sacs à dos sur la fin de la piste 4x4 qui va jusqu’à Hugh Gorge, à onze kilomètres de là, point de départ de la section 5 du Larapinta Trail que nous commençons le lendemain et qui doit nous ramener à Birthday Waterhole en deux jours.

Malgré la chaleur nous avançons rapidement à pied, il faut dire que marcher sur une piste 4x4 n’a rien de très difficile. Nous arrivons à Hugh Gorge alors que le soleil se cache déjà derrière les montagnes. On plante la tente dans le sable de la rivière. Le camping est spartiate : un panneau d’information et un réservoir d’eau de pluie, c’est tout. Mais on n’a pas vraiment besoin de plus. On se couche alors que le ciel étoilé nous rappelle que la ville la plus proche est déjà à plusieurs dizaines de kilomètres. La nuit est calme, tranquille, à peine dérangée par une légère pluie nocturne qui nous réveille et qui m’empêchera de me rendormir rapidement.

Une fois de plus les hurlements des dingos nous réveillent à l’aube. Un son inquiétant qui alerte immédiatement, même en sachant qu’ils sont inoffensifs.

Nous chargeons les sacs avec cinq litres d’eau chacun, suffisant pour nous permettre de survivre pendant deux jours, car il n’y a pas de point d’eau garanti sur le chemin jusqu’à Birthday waterhole. Il y a bien des trous d’eau dans les gorges, mais il est déconseillé de les utiliser car les animaux en ont besoin pour leur survie, et si les trois mille randonneurs qui font le Larapinta Trail chaque année utilisent cette ressource rare il ne restera plus grand chose pour les animaux.

Et effectivement Hugh Gorge est parcellée de trous d’eau rafraîchissants que l’on contourne par un peu d’escalade facile.

Nous entendons arriver un drôle d’animal alors que nous commençons la randonnée : ses pieds font clack-clack sur les rochers. Ce n’est pas un animal mais un papy grisonnant, venu en VTT jusqu’au camping, qui vient se balader en chaussures de vélo clipsables. Ça a l’air un peu casse-gueule sur les rochers mais il va bien plus vite que nous. Il faut dire qu’il ne porte pas une quinzaine de kilos sur son dos !

La gorge se révèle particulièrement jolie, mais aussi relativement fatigante, la progression à marcher dans les galets et sauter de rocher en rocher est épuisante et s’il n’y avait pas ces montagnes rouge-orangées qui dominent autour de nous cela serait une véritable épreuve. Mais avec la vue qu’on se paye, on ne va pas se plaindre ! Et puis avec nos aventures dans les Gammon Ranges on commence à avoir l’habitude de la marche dans les lits de rivière à sec.

Puis la gorge s’élargit, avec un grand banc de sable abritant de nombreux eucalyptus et des traces de camping et de feu de camp (pourtant interdit à cause des risques élevés d’incendie). C’est Hugh Junction, où une ravine s’ouvre sur la droite et qu’il faut suivre pour poursuivre le Larapinta. Tout droit la gorge continue jusqu’à un trou d’eau permanent. Nous laissons les sacs à dos à l’intersection et poursuivons armés de nos appareils photo, du GPS et de la balise de détresse. Après un kilomètre de plus de bagarre avec les rochers nous atteignons le trou d’eau, là où la gorge ne fait plus que quelques mètres de largeur, surplombée par des murs rouges hauts de plus d’une centaine de mètres. Superbe, cela nous fait penser aux belles gorges de Karijini dans le Western Australia. Mais malgré la chaleur nous n’allons pas nous baigner vu la fraîcheur de l’eau !

Après un déjeuner bien mérité nous quittons la gorge et suivons la ravine puis un petit sentier à flanc de montagne qui grimpe jusqu’au col de Rocky Saddle. Le ciel gronde. Il est passé du bleu au gris sombre. Des éclairs commencent à se faire voir au loin. Nous enfilons les vestes de pluie. Nous n’allons pas nous attarder là. Pourtant il y aurait de quoi : la vue est l’une des plus belles que j’ai jamais eu l’occasion d’apprécier.

Le sentier quitte le col et redescend dans une autre ravine de l’autre côté de la crête. Là l’orage éclate et en cinq minutes nous sommes trempés. Enfin surtout Anne, qui découvre que sa veste n’est plus du tout imperméable. Heureusement il fait chaud et la pluie s’arrête rapidement. Nous plantons la tente à Fringe Lily Creek, dans le lit de la rivière mais un peu en surplomb du lit principal, on n’est jamais trop prudents : on n’a pas envie de se retrouver à flotter dans un torrent d’eau au milieu de la nuit, les rivières d’Australie centrale ne sont que trop bien connues pour leurs crues-éclair où l’eau se met à couler à torrent en quelques minutes.

Il est encore tôt, nous profitons du temps libre pour lire avant de dîner. Le temps est à nouveau sec, mais au moment de boire le thé, l’orage revient sans prévenir et nous nous réfugions sous la tente pour finir thé et gâteaux. L’orage nous tourne autour, la pluie se calme puis revient par bourrasques violentes. Enfin l’orage se concentre au dessus de nous, la foudre tombe à moins de 300 mètres de nous à plusieurs reprises. Et soudainement plus rien : ni pluie, ni tonnerre, ni éclair. Nous sommes pourtant bien contents d’être à l’abri sous la tente, mais pas non plus complètement rassurés, nous sommes seuls dans une gorge, au milieu des montagnes, loin de toute civilisation, et un orage gronde dans les parages, c’est le genre de moment où on réalise que nous ne sommes que peu de choses au milieu du grand chaos naturel.

La nuit reste ponctuée d’orages et de pluie, mais au matin ça se dégage et nous profitons des quelques rayons de soleil qui atteignent le fond de la gorge et notre petit camping pour sécher la tente.

En quittant Fringe Lily Creek le sentier repart très raide pour grimper en haut de la crête. Les nuages jouent à cache-cache avec le soleil et procurent des zones d’ombres qui rendent le paysage encore plus fabuleux.

Une fois en haut nous suivons la crête de Razorback Ridge sur quelques kilomètres avant de descendre dans une ravine qui demande un peu d’escalade. Nous y croisons les deux allemands et l’australien de Canberra que nous avions rencontrés en revenant de Mulga Camp. Le chemin poursuit ensuite le cours de Spencer Gorge, où un nouveau parcours d’obstacles à base de cailloux, galets et rochers de diverses tailles nous donne du fil à retordre. Mais au moins nous sommes à l’ombre de grands palmiers et des parois rocheuses.

Enfin, une grosse flèche bleue nous emmène en dehors de la gorge, rejoindre un petit col, avant de redescendre jusqu’à un ancien pâturage, intersection entre les sections 4 et 5 du Larapinta Trail. Plus que deux kilomètres à marcher dans le sable de la rivière et nous rejoignons Birthday Waterhole, où nous retrouvons nos vélos, dont une partie de la cargaison a été attaquée par les corbeaux et les pies. Tout ce qui ressemblait à un sac plastique a été déchiqueté avec méticulosité, y compris le sac qui recouvrait ma selle contre la pluie. On constate donc que les oiseaux du coin ont découvert ce qu’était un sac poubelle… Probablement à cause de certains qui laissent leur déchets. Heureusement pas de dégât, seulement quelques sacs plastiques déchirés.

Le camping est plutôt rempli, avec une vingtaine de campeurs, dont un groupe organisé accompagné par un 4x4. On constate aux nombreuses traces de papier toilette et à l’odeur d’urine de certains endroits du camping qu’effectivement le coin est populaire. Il est bienvenu que les parcs nationaux veuillent installer ici le mois prochain des toilettes sèches et un abri de randonnée comme à Simpsons Gap, ça semble effectivement nécessaire…