Un détour dans les West Mac Donnell Ranges — partie 2 : Simpsons Gap
La piste cyclable de Picnic Spur à Simpsons Flat serpente au pied des montagnes, au milieu de paysages sublimes. Ça roule bien, c’est sympa comme tout. Quinze kilomètres plus loin nous atteignons Simpsons Gap, et une nouvelle barrière anti-moto qui empêche nos vélos chargés de passer.
Nous rejoignons le camping du Larapinta Trail, qui jouit d’un abri tout neuf, entièrement construit en acier, soudé, sans aucune vis ou assemblage, signe que le métal est la spécialité australienne. On peut dire que c’est construit pour durer ! L’abri est conçu pour protéger du soleil et un peu de la pluie mais est à moitié ouvert, et à côté des plateformes pour dormir il y a des fenêtres qui s’ouvrent pour avoir de l’air la nuit, on voit que ça a été pensé pour la chaleur, pas vraiment pour protéger du vent ou de la pluie. Il y a aussi un placard qui ferme pour mettre ses affaires et sa nourriture à l’abri des souris, pratique et des gens ont laissé des livres, de la bouffe, des affaires… Sympa, on se sent un peu faire partie d’une communauté, même si on n’a pas encore vraiment randonné beaucoup sur le Larapinta.
Simpsons Gap est un trou d’eau permanent sur Roe Creek qui traverse la chaîne de montagne dans cette impressionnante gorge où la vie abonde. La fraîcheur du lieu est toujours agréable par ces jours-ci où la température dépasse les 30°C. Mais aux pires moments de l’été elle peut même dépasser les 50°C, alors on s’estime un peu chanceux quand même.
Le lieu est plutôt touristique, et la plupart des gens ne font qu’un court aller-retour jusqu’au bord de l’eau avant de repartir, alors qu’il y a plusieurs balades intéressantes dans le coin. Certains ne font qu’un tour du parking avant de repartir sans même sortir de la voiture. La nature humaine nous déprime certains jours…
Nous terminons la journée par une courte balade à Hat Hill Saddle, littéralement « le col de la colline en forme de chapeau », et elle ressemble effectivement un peu à un chapeau de loin. Le sentier emprunte le parcours du Larapinta Trail sur quelques kilomètres jusqu’à un joli point de vue. Une bonne partie du chemin est partiellement ombragée, sous des arbres peu feuillus mais c’est déjà mieux que de brûler sous le soleil. Comme d’habitude le paysage est sublime.
Le soir nous sommes rejoints au camping du Larapinta par une dame qui vient assurer le support logistique pour son mari et sa fille qui randonnent sur le Larapinta, à chaque étape elle vient apporter des provisions et des affaires, leur permettant de marcher un peu plus léger. Bon ils se trimballent quand même des gros sacs car certains campings ne sont pas accessibles en voiture mais bon j’aime bien le principe, je devrais proposer ça à mes parents avec leur camping car. Bon faudrait qu’ils installent la clim' dedans sinon ils vont fondre.
Nous profitons des barbecues de l’aire de pique-nique pour faire du garlic bread (pain à l’ail beurré, un peu comme la garniture des escargots, excellent !), signe que nous nous baladons encore avec beaucoup trop de bouffe.
Nous dormons dans l’abri, sans tente, sans sac de couchage : il fait trop chaud. Le soleil se couche sur la plus belle vue du monde, les montagnes et Simpsons Gap, juste devant moi. Il est difficile de se plaindre quand on a une telle vue au moment de se coucher…
Les deux jours suivants nous partons faire une randonnée sur le Larapinta Trail, mais comme on n’aime pas les aller-retour on va faire une boucle en profitant du Woodland Trail. Cela oblige hélas à marcher 3,5 kilomètres de route mais bon vu qu’on ne voit que deux voitures en 45 minutes ce n’est pas horrible, surtout en début de marche, en fin de journée quand on est déjà crevé par contre ça aurait été chiant. Mais ce matin du mercredi 19 août 2015 je ne suis pas très réveillé, le mec qui marchait avec sa fille a ronflé comme un bûcheron toute la nuit, ça n’a pas aidé mes problèmes de sommeil.
Malgré le fait que nous avons changé de tente pour une plus légère de 1 kg et que nous ne partons que pour deux jours nos sacs à dos sont bien remplis. Il faut dire qu’il fait chaud et qu’il n’y a pas d’eau avant le camping de ce soir qui a un réservoir d’eau de pluie surveillé et ré-alimenté par les rangers du parc national, donc nous baladons quelques litres d’eau chacun pour tenir toute la journée.
Nous marchons sous un soleil de plomb. Le Woodland Trail n’est pas le plus passionnant des chemins mais reste agréable, malgré le manque d’ombre. Nous faisons un détour d’un kilomètre pour aller visiter Rocky Gap qui nous oblige à marcher dans le lit d’une rivière à sec, dans du sable. Fatigant. Mais nous pouvons profiter d’un peu d’ombre pour dévorer une barre de céréales, sous les branches bienveillantes des river red gums qui puisent de l’eau en profondeur dans les nappes phréatiques sous le lit de la rivière.
Après cela les paysages et le chemin deviennent beaucoup plus jolis et nous atteignons Bond Gap, une gorge très encaissée, aux parois rouges, et dont le fond est rempli d’eau, de plantes aquatiques, d’oiseaux et même de poissons. L’endroit est frais, idéal pour faire une pause repas avant d’entamer la dernière section jusqu’à Mulga Camp, notre camping pour la nuit.
Le sentier est très agréable, très bien aménagé et intégré dans le paysage, le boulot effectué est exemplaire. Les paysages nous fascinent, les lits de rivières sableux, les gorges, les montagnes rouges, la végétation jaunie… Impossible de détourner le regard, on en prend plein les mirettes. Arenge Bluff spécifiquement est très impressionnant et intimidant. Le sentier le contourne heureusement car il semble particulièrement escarpé.
Nous passons à l’ancien camping de Mulga Camp où un énorme bœuf broute l’herbe au fond de la vallée, sûrement échappé d’un pâturage plus loin, c’est triste car il risque de faire des dégâts importants à la végétation du parc national.
Un kilomètre plus loin au nouveau camping nous retrouvons le ronfleur de la nuit dernière et sa fille qui plantent leur tente pour la nuit. Le camping est luxueux : deux tables, des toilettes sèches et un gros réservoir d’eau de pluie. Celui-ci a une antenne et un dispositif électronique alimenté par un panneau solaire, qui permet d’envoyer aux rangers un signal quand le niveau d’eau est trop bas. Ingénieux.
Je passe une nuit horrible, impossible de dormir malgré la fatigue après une mauvaise nuit hier et 21 kilomètres de marche aujourd’hui. Je ne dors que deux heures dans la nuit. Quand je commence à me rendormir à 5 heures du matin il se met à pleuvoir. Or, comme la météo annonçait beau temps pour toute la semaine nous n’avons pas pris la toile extérieure, pensant profiter de la vue sur les étoiles pour dormir. Ça les étoiles je les ai bien vues… toute la nuit. C’était superbe c’est sûr mais j’aurais bien aimé dormir. Réveillé par la pluie je me précipite pour recouvrir la tente avec la couverture de survie, et le temps de le faire la pluie s’arrête, et impossible de me rendormir. On a retenu la leçon pour plus tard : toujours prendre et installer la toile extérieure, même s’il fait beau : personne n’a envie de se lever au milieu de la nuit parce qu’il se met à pleuvoir.
Évidemment au matin je suis épuisé et me sens complètement incapable de faire le détour de 5 km par Spring Gap que nous avions prévu, surtout qu’il reste encore 15 kilomètres de plus pour rentrer à Simpsons Gap. Ces problèmes de sommeil me dépriment car je me retrouve dans l’impossibilité physique de faire ce que j’avais envie de faire, et j’ai beaucoup de mal à profiter de ce qu’on vit au jour le jour quand je n’ai parfois même pas l’énergie nécessaire pour préparer à manger.
La journée est légèrement moins chaude qu’hier, grâce au ciel un peu plus nuageux qui nous protège du plus fort des rayons. Malgré tout je marche comme un mort-vivant et dois redoubler d’efforts pour essayer d’apprécier le paysage. Je me sens terriblement fatigué et faible.
Nous faisons une pause à Bond Gap comme hier pour manger et profiter de la fraîcheur du lieu. On se trempe même les pieds dans l’eau mais pas longtemps, elle est terriblement froide.
Les derniers huit kilomètres sont un peu longs pour moi. Les paysages me font toujours autant rêver mais j’ai beaucoup de mal à relever les yeux de mes pieds. Nous croisons un groupe de trois retraités qui vont dans l’autre sens : deux allemands et un australien de Canberra. Très sympas, nous aurons l’occasion de les revoir à plusieurs reprises dans les prochains jours. Ils étaient un peu inquiets en voyant nos vélos seuls au camping de Simpsons Gap mais nous les rassurons, ce sont bien nos vélos on est juste partis se balader sans montures mécaniques.
Nous atteignons le camping de Simpsons Gap avant que le soleil ne se couche et profitons des derniers rayons pour se rincer rapidement derrière des buissons avec une bouteille d’eau. Pas de douche avant au moins deux semaines, alors il faut bien se débarrasser un peu de la poussière de sable et de la transpiration qui nous collent à la peau. À l’abri nous rencontrons trois randonneurs australiens : deux frères, Ed et Andrew, et leur amie Petrina trimballent chacun un énorme sac à dos, et chacun a son réchaud, sa popote et sa nourriture, c’est un peu bête de porter trois réchauds et trois popotes pour trois personnes mais bon. Ils sont partis de l’autre côté du Larapinta Trail et il ne leur reste plus que deux jours avant de rejoindre Alice Springs.
Nous passons les deux jours suivants au camping de Simpsons Gap à nous reposer car la météo annonçait des fortes chaleurs : plus de 35°C. Anne va faire un aller-retour jusqu’à Alice Springs un jour (à 18 km de là) et ramène encore plus de bouffe, de la pizza, des glaces même pas encore fondues mais qu’on s’empresse quand même de manger, et surtout des somnifères pour essayer de me faire dormir un peu mieux…
Nous voyons passer d’autres randonneurs, tous plus chargés les uns que les autres, certains transportant des bouteilles d’alcool en verre… Et ils se plaignent d’avoir des ampoules après. Il y en a un qui n’arrivait quasiment pas à se lever avec son sac à dos. Je ne comprends pas quel est l’intérêt, pourquoi trimbaler autant de trucs inutiles ? La randonnée doit être un plaisir pas un une épreuve de force et de douleur.
On profite des ces jours de repos pour lire, regarder des séries sur le téléphone et la tablette, changer les chaînes des vélos, mais aussi profiter d’une petite balade guidée de Simpsons Gap par un ranger, l’occasion de discuter avec lui du Larapinta Trail, du parc national, la faune et la flore locale, et plein d’autres sujets. Intéressant. Il nous aide à voir des black footed rock wallabies qui se cachent dans les rochers sur les hauteurs de Simpsons Gap.
Demain nous reprenons les vélos pour rejoindre Birthday waterhole, où nous devons faire de nouvelles randonnées sur le Larapinta Trail.