Détour(s) d'Australie

Haere.net

Retrouvez nos aventures sur hære.net

Topoguides de randonnée en Australie et Nouvelle-Zélande, livres et récits de voyages

Un détour dans les West Mac Donnell Ranges – Partie 5 : Brinkley Bluff, Serpentine Gorge et Ochre Pits

La nuit passée au sommet de Brinkley Bluff n’a pas été de tout repos. Malgré le somnifère, le vent qui frappait les parois de la tente, faisant claquer la toile comme un tambour frappé d’arythmie, m’a empêché de dormir une partie de la nuit. Heureusement les bouchons d’oreille finissent par aider et gagner quelques heures de sommeil. Le réveil à 6h du matin nous sort de la tente pour admirer le lever de soleil. Nous aussi on a voulu voir ce que donnait le lever de soleil, il doit bien y avoir une raison pour laquelle tous ces randonneurs se lèvent au milieu de la nuit pour faire l’ascension d’une montagne dans le noir et assister aux premières lueurs du jour du sommet.

Bon nous on n’a pas trouvé la raison ce matin-là : il faisait froid, le vent était glacial, et le paysage était plus beau au coucher du soleil. On retourne donc dormir jusqu’à 9h30, profitant de l’accalmie du vent pour sombrer dans le sommeil.

Le petit déjeuner fut frugal, car notre bouteille de gaz a rendu son dernier souffler hier soir. Alors le thé froid le matin bon, pas top. Ne reste plus qu’à redescendre le sentier jusqu’à Birthday Waterhole, chemin inverse de la journée d’hier. On est un peu fatigués de la nuit agitée mais on est quand même aux vélos à 14h. On décide d’avancer un peu sur la piste 4x4 vers la route pour avoir une journée plus tranquille demain, vu qu’il nous reste encore du temps aujourd’hui.

Il fait doux, joli soleil, pas trop chaud, les paysages sont superbes, et je suis content de reprendre un peu le vélo après cinq jours de rando. On plante la tente à la fin de la piste 4x4, à 500 mètres de la route, dans le lit de la Hugh River. Anne prépare du damper bread dans les braises du feu.

Le lendemain nous sommes réveillés par un oiseau dont le chant est le même que la sonnerie d’un ancien téléphone portable quand il reçoit un SMS. Ces bip-bip incessants ressemblent tellement à un réveil qu’ils nous forcent à nous lever. Qui eut crut que nous puissions subir un réveil matin au milieu du bush australien ?

On essaye tant bien que mal d’arranger nos sacoches pour que le passage du mode vélo au mode rando soit plus facile, enfin au moins qu’on n’ait plus à tout ré-arranger à chaque fois, mais je crois que c’est peine perdue, car tout change en fonction du niveau de nourriture qui baisse.

Le vent nous pousse dans le dos, le temps est agréable, et nous parcourons 22 kilomètres rapidement jusqu’à rejoindre une aire de repos au bord de la route, où nous pouvons enfin nous débarrasser de nos poubelles, accumulées depuis presque une semaine car aucune poubelle dans le parc national. Dix kilomètres plus loin nous arrivons à Ellery Creek Big Hole, après deux kilomètres de piste tape-cul défoncée par les bagnoles, horrible, la piste 4x4 de Birthday Waterhole était bien mieux ! Les bords de la route d’accès sont dégueulasses : déchets partout, morceaux de bagnoles, on a du mal à croire que nous sommes à nouveau dans le parc national. On déjeune à l’aire de pique-nique à côté du camping. Le lieu est très touristique, et les touristes se succèdent à une cadence infernale. La plupart ne font qu’un aller-retour de deux minutes jusqu’au bord du trou d’eau, mais certains ne sortent même pas de leur voiture. Nous sommes à presque 100 km d’Alice Springs. Quel intérêt de venir jusqu’ici si c’est pour rester dans la bagnole et ne même pas venir voir les points d’intérêt ?

On assiste encore une fois impuissants à la bêtise des français de passage qui viennent jusqu’ici et décident de repartir aussi sec pour pouvoir acheter des chips au supermarché à Alice Springs avant qu’il ne ferme. Peut-être que les autres touristes disent aussi des trucs très cons mais alors on ne doit pas comprendre, je ne sais pas.

On va ensuite se tremper très rapidement dans le trou d’eau, car l’eau est atrocement froide malgré la température extérieure qui dépasse 30°C. Juste le temps de se mouiller et de rincer un peu la poussière accumulée depuis deux semaines sans douche, et de sentir tous ses muscles se mettre à convulser frénétiquement contre le froid, et hop dehors, les pieds dans le sable chaud.

Il ne reste plus que onze kilomètres de route et on atteint l’intersection pour Serpentine Gorge, où notre van s’était embourbé dans une grosse flaque d’eau il y a deux ans. Aujourd’hui pas de flaque d’eau, mais un panneau qui indique que la gorge est à 3 km. Et 500 mètres plus loin un second panneau indique la gorge à 5 km. Mais nous arrivons au parking après seulement 1,5 kilomètre. Il faut croire que les auteurs de panneaux routiers sont un peu dyslexiques par ici. Nous continuons sur une piste 4x4 pour 500 mètres jusqu’à rejoindre le camping du Larapinta, où nous rencontrons un marcheur en autonomie, seul, qui trimballe un sac énorme, mais celui-ci n’est pas vide : une tente gigantesque pour quelqu’un tout seul, une chaise pliante (version grande taille) et une table pliante. Et il se plaint d’avoir un sac trop lourd…

Le temps de planter notre tente et il fait déjà sombre. Le camping est envahi de souris, qui grouillent dès qu’on a le dos tourné. Il y en a même une qui saute sur notre tente, pas gênée la bestiole !

Malgré un réveil à 7h30 on ne part en randonnée que vers 10h. Oui nous ne sommes pas très rapides ou efficaces.

On commence par visiter Serpentine Gorge, où un trou d’eau réduit mais glacial permet d’apercevoir un long canyon qui continue plus loin. S’ensuit un aller-retour au point de vue en haut de la gorge qui offre de belles vues. Mais ce n’est pas l’objet de notre visite ici, nous on part explorer la section 8 du Larapinta Trail. Le sentier grimpe lentement en haut de la crête, en plein soleil. Nous buvons quasiment un litre d’eau par heure, heureusement nous avons pris plus de quatre litres pour la journée. Encore une fois les paysages sont magnifiques, et le sentier particulièrement agréable.

Nous profitons d’un petit peu d’ombre sous un arbre pour manger à l’abri, et un peu plus tard nous croisons Jean-Noël, un français qui traverse aussi l’Australie à vélo par les pistes, il est venu par la Great Central Road qui vient du Western Australia jusqu’à Uluru, une piste réputée très difficile. Il veut ensuite faire la Plenty Highway et Birdsville Track, deux autres pistes réputées peu commodes en vélo, et très isolées. Et il a décidé sur un coup de tête de faire le Larapinta en sept jours au lieu d’une quinzaine, en passant à côté comme ça il s’est dit « tiens je vais faire la rando ». Comme quoi on est loin d’être les plus allumés du coin.

On laisse Jean-Noël avec son chronomètre et ses kilomètres à avaler en un temps record. Nous faisons un détour à un point de vue qui permet de voir jusqu’à Tnorala (Gosse Bluff), un cratère de métérorite de plusieurs kilomètres de large qui a formé des collines hautes de plusieurs centaines de mètres. Le sentier descend ensuite le long de marches fabriquées avec les rochers du coin, c’est très bien intégré au paysage, très joli.

Nous suivons de nombreuses marches et traversons une forêt de pins natifs qui offrent une ombre bienvenue et un changement de paysage surprenant. Nous découvrons ensuite des clairières de cailloux étranges et des eucalyptus à l’écorce rouge et aux formes fantomatiques. Superbes arbres, très étonnants, on les dirait doués d’une intelligence supérieure et d’un côté un peu artiste.

Nous arrivons finalement à Serpentine Chalet Dam, camping plutôt spartiate du Larapinta. Le barrage n’est pas très intéressant : un mur de béton au fond de la gorge, construit en 1950 pour retenir l’eau et permettre au chalet touristique situé plus bas de survivre aux étés les plus difficiles. En pratique la réserve n’a jamais été suffisante, l’eau s’évaporait trop vite. Au bout d’une poignée d’années le business a périclité, le chalet détruit, mais le mur en béton est toujours là.

On plante la tente dans le sable, on est crevés avec la chaleur et l’effort, mais ça valait le coup, superbe journée. La nuit est peu reposante pour moi, avec la température qui ne baisse pas, je n’ai pu dormir que par tranches de 30-40 minutes.

Nous reprenons le Larapinta Trail, cette fois sur la section 9 mais nous ne la ferons pas en entier. Après 2,3 km on atteint Inarlanga Pass, où un groupe de lycéens nous dépasse. Ah ces écoliers Australiens qui passent leur vie à faire du vélo, de l’escalade, de la rando ou du kayak !

Le canyon d’Inarlanga est très impressionnant et agréable, rempli de palmiers et de superbes parois rocheuses aux formes rondes et amples.

C’est là que le Larapinta et notre chemin se séparent, car nous prenons Arrernte Walk pour rejoindre Ochre Pits et la route. Il y a deux ans nous avions fait ce sentier sous la pluie et les couleurs étaient sublimes et mémorables. Aujourd’hui je trouve le chemin moins passionnant, mais je ne suis pas sûr que j’aurais préféré reprendre la pluie. Et les vues que l’on a sur Mt Sonder à la fin sont à couper le souffle.

Nous atteignons Ochre Pits et retrouvons les flux touristiques habituels. On se dit que c’est une bonne chose car nous avons prévu de faire du stop pour retourner à Serpentine Gorge et éviter trois heures de marche sur la route. Mais après trois voitures qui nous ignorent et cinq minutes à marcher en bord de route ce ne sont pas des touristes qui s’arrêtent (probablement trop pressés d’aller acheter des chips) mais Rondha et son ami, deux militants aborigènes du peuple Arrernte. Lui enseigne la langue aborigène, l’Aranda, pour lutter contre la disparition progressive de la culture et de la langue (seulement 5.000 locuteurs dans le monde). La langue est désormais obligatoire dans les écoles d’Alice Springs, quelle que soit l’origine des élèves, ce qui devrait aider à sa subsistance. Rondha, elle, s’occupe du territoire du parc national, qui appartient au peuple Arrernte, après avoir été rendu par le gouvernement Australien en échange d’un accord pour que l’endroit reste un parc national géré en collaboration avec le gouvernement du Northern Territory. Elle fait aussi des peintures à Ormiston Gorge. Elle nous raconte rapidement leur combat pour que les lieux reprennent leur nom aborigène et éviter ainsi une disparition de la culture aborigène. On a vu effectivement les panneaux du parc national changer depuis notre dernière venue il y a deux ans : on voit plus de noms aborigènes et le parc s’appelle maintenant « Tjoritja — West Mac Donnell Ranges » même si la plupart des brochures touristiques oublient ce « détail ».

En quelques minutes nous retraçons ce que nous avons mis deux jours à marcher et arrivons à l’intersection pour Serpentine Gorge, où nous laissons nos chauffeurs partir avec un peu de regret de ne pas pouvoir continuer la discussion avec eux plus longtemps.

On retrouve nos vélos après avoir marché sur la piste d’accès à Serpentine Gorge, très caillouteuse et peu intéressante. Pendant que nous mangeons nous entendons des voix, mais pas celle de Jeanne d’Arc, à moins qu’elle ne se soit mise à parler allemand. Ce sont Mike, Pia et Gerd, l’Australien de Canberra et les deux allemands que nous avions croisés à plusieurs reprises sur le Larapinta Trail. Ils font le chemin à leur rythme : ils ont déposé des caches de nourriture à chaque étape, leur permettant de prendre quelques jours, tranquillement, entre chaque étape, sans stresser. Excellente idée je trouve, à laquelle je n’avais pas pensé, je n’avais fait que suivre les conseils du guide officiel qui disait de faire deux ou trois caches, ce que je trouvais un peu stressant car ça fait de longues étapes sans ravitaillement. J’ai donc trouvé comment je ferais quand je reviendrais faire le Larapinta en entier et en autonomie. Car comment refuser maintenant de revenir et faire cette rando en entier quand on y a goûté comme ça ?

Nous parlons beaucoup avec Mike, Pia et Gerd : du rythme des voyages, de leurs voyages précédents et notamment plusieurs semaines en canoë sur la Murray River dans le South Australia. Voilà qui donne également envie ! Pia nous raconte que elle aussi elle a voyagé quand elle était jeune et que tout le monde lui a dit qu’elle devrait plutôt travailler, se fixer, et préparer sa retraite. Aujourd’hui elle n’est pas encore à la retraite mais elle ne regrette pas de n’avoir que rarement travaillé dans sa vie. Une belle philosophie de vie, j’espère être comme elle à son âge, à faire des randos de 200 km en autonomie !

On discute tellement qu’on ne voit pas le temps passer mais il faut quand même repartir et faire 35 kilomètres de vélo pour rejoindre Glen Helen Resort, sorte de village de vacances un peu miteux à la sortie du parc national. La chambre nous coûte 35$ par personne mais au moins ce soir je dormirais sur un vrai lit, et enfin après presque trois semaines : une douche. Le luxe quoi.