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Oodnadatta Track, partie 2 - Marree à Lake Eyre

Après une nuit dans le camping gratuit derrière l’unique hôtel de Marree (et un repas cher, peu fourni et sans goût), nous entamons l’Oodnadatta Track proprement dit en passant devant le bâtiment du Lake Eyre Yacht Club. Pour ceux qui n’ont pas compris le gag, le lac Eyre est un lac de sel, et l’eau n’y parvient qu’une fois tous les dix ans en moyenne, donc y faire du bateau n’est pas vraiment une activité typique.

La route est bonne et déroule sous nos pneus une surface principalement lisse, et malgré le ciel bleu et le beau soleil le moral n’est pas au beau fixe : le vent qui hier nous poussait s’est retourné aujourd’hui et nous ralentit fortement. Pour compenser les paysages sont simplement magnifiques et contrairement à nos attentes plutôt verts, avec une végétation rase omniprésente et florissante. Après tout nous sommes encore en hiver, les températures sont agréables et il a même plu le mois dernier.

Et pour varier les vestiges de l’ancienne ligne du Ghan nous divertissent beaucoup. Des anciens réservoirs d’eau géants suspendu à plus de 15 mètres de hauteur aux ponts rouillés et décrépis surplombant des rivières de sable qui ne coulent que lors des très rares inondations, jusqu’aux petits lacs de sel créés artificiellements par le passage de la voie ferrée.

Le soir nous nous installons dans le seul endroit abrité du vent à des kilomètres à la ronde : dans les ruines de l’ancien cottage de Wangianna. Ici vivaient les « fettlers », ces travailleurs qui s’occupaient de l’entretien du chemin de fer. Quelle drôle de vie ça devait être. Difficile à imaginer de passer sa vie dans un endroit si reculé, avec rien d’autre à l’horizon que l’infini des plaines.

Malgré tout notre abri n’est pas si efficace que cela, et les fenêtres et portes (sans fenêtres ni portes) laissent quand même passer le vent et la nuit est très agîtée, la tente se faisant secouer à chaque bourrasque parvenant à traverser le cottage. Nous dormons peu et sommes debout dès les premières lueurs du jour à 7h.

Malgré tout nous reprenons la route, qui malgré les a-prioris est très loin d’être plate et toute droite. En réalité elle ne cesse de monter et descendre, et tourner légèrement. Autant dire qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer. Surtout avec les paysages sans cesse changeants, chaque kilomètre est une nouvelle joie pour les yeux.

Mais la motivation ne dure pas face au vent qui persiste à nous repousser dans la direction inverse. Et après 15 kilomètres à pédaler je n’ai plus aucune envie de continuer. Nous avons déjà croisé des vents de face importants sur le Mawson Trail, mais ici c’est complètement différent. D’abord parce que la direction générale de la route ne change pas et ne changera pas avant des centaines de kilomètres, ne laissant augurer aucune lueur d’espoir de pouvoir échapper au vent en changeant de direction, et ensuite car il y a la pression de devoir avancer pour arriver au prochain point de ravitaillement en eau. Et donc le stress auto-infligé de devoir avancer coûte que coûte.

Surtout que nous ne sommes pas très rapides. La plupart des récits de cyclo-touristes ayant traversé l’Oodnadatta Track indiquaient qu’il fallait entre 8 et 10 jours en moyenne, soit environ 75 kilomètres par jour. Mais soit ce sont tous et toutes des athlètes surhumains, soit je ne suis vraiment pas en forme, car à notre vitesse il nous faudra plutôt entre 15 et 20 jours en réalité, en faisant 30 à 50 kilomètres par jour.

Nous faisons une bonne pause à la mi-journée à Alberrie Creek où sont exposées des sculptures géantes et incongrues, au milieu de nul part, à base d’avions, de bus ou de voitures. De quoi s’amuser pas mal

Juste à côté se trouve un autre cottage de « fettlers » abandonné, celui-ci est différent et ressemble un peu à un petit hôtel. À côté se trouve un forage artésien qui coule incontrôlé, formant un véritable marécage au milieu du désert. Véritable paradis pour la faune locale mais aussi les oiseaux migrateurs, comme ces grues antigones d’Asie venues profiter de l’eau tiède et saumâtre du marécage. Étrange spectacle au milieu du bush de voir ces grands oiseaux, vision plutôt inattendue.

Nous mangeons dans la véranda du cottage, encore en bon état malgré que des touristes de passage aient commencé à en arracher le bois pour le brûler. Nous avons même le luxe d’avoir des chaises pour nous asseoir. Et juste à côté, de manière toute aussi inattendue nous trouvons un espace de camping avec des toilettes, des douches (froides), et même de l’éclairage solaire. On se demande bien ce que ça fait là, surtout qu’il n’y a aucun panneau, mais on est bien contents de prendre une douche.

Même si je serais bien resté là sur la véranda à lire au soleil dans un vieux fauteuil à moitié pourri, il nous faut malgré tout repartir et rouler pour atteindre la pointe de sud de Lake Eyre South, paysage étrange avec cette étendue de sel qui s’étend à perte de vue, comme un océan blanc, mais sans les vagues ou les marées. Seulement le vent qui souffle toute la nuit comme si nous étions au bord d’une mer infinie.

Je suis épuisé, autant physiquement que moralement. Je me sens à bout de nerfs à devoir planter la tente sous les dernières lueurs du jour au bord du lac derrière l’un des rares buissons du coin, tentant désespérement de nous abriter du vent. Mais en même temps je suis excité et impatient d’aller marcher sur le lac demain. Ainsi quand l’insomnie revient pendant la nuit je ne sais plus si c’est à cause de l’excitation, de l’épuisement ou du stress. Et au fond je m’en fous un peu, je voudrais juste dormir, juste un peu, me sentir reposé pour une fois.